Quand j’ai publié le message de Noël de la Fondation canadienne du mémorial des paramédics sur notre page Facebook, un commentaire de John Snowball a attiré mon attention. 

« Mon fils Christopher Snowball vivait pour Noël avec sa famille, et maintenant il a un petit-fils qu’il ne rencontrera jamais et une fille qui se marie sans qu’il puisse partager avec elle une première danse. »

C’est ainsi que ma conversation avec John Snowball a commencé. 

Seulement 11 minutes après le début du 31 mai 2013, dans l’obscurité totale, le vol Ornge Lifeflight 8 a quitté Moosonee, en Ontario, en direction d’Attawapiskat avec deux pilotes et deux paramédics à bord. Moins d’une minute plus tard, l’hélicoptère Sikorsky S-76 s’est écrasé dans une forêt dense et a pris feu. Il n’y a eu aucun survivant. Le capitaine Don Filliter, le copilote Jacques Dupuy, et les paramédics Dustin Dagenais et Chris Snowball sont morts en service. 

Chris Snowball avait 38 ans.

J’ai demandé à John à propos du commentaire qu’il avait laissé sur la page Facebook de la Fondation. « Vous avez mentionné que Chris aimait vraiment les fêtes. »

« Ah oui, il vivait pour Noël. C’était son moment de l’année. Il adorait Noël. Offrir des cadeaux aux enfants. Il aimait ça. Il descendait chez nous, il décorait l’arbre et tout ça… » John a fait une pause. « Et sa chanson préférée, c’était Old Toy Trains de Roger Miller. »

Paroles: 

Old toy trains, little toy tracks

Little boy toys comin’ from a sack

Carried by a man dressed in white and red

Little boy, don’t you think it’s time you were in bed?

« Il adorait les trains et on avait quelques maquettes dans le sous-sol. Il venait avec moi quand je travaillais pour le Waterloo and Saint Jacobs Railway. Il adorait ça, monter avec moi dans le train. Il était fou des trains. Je pensais qu’il deviendrait… » La voix de John s’éteint un instant. « Je pensais qu’il essaierait de travailler pour le Canadien Pacifique ou quelque chose comme ça. Mais ça ne s’est pas fait. »

J’ai demandé à John comment Chris avait choisi de devenir paramédic. 

Il m’a raconté qu’alors que Chris était encore jeune, il était dans une voiture avec sa mère lorsqu’ils ont eu un accident. « Eh bien, Chris a fait son premier trajet en ambulance. Il n’était pas blessé. Il était juste un peu secoué. Après ce trajet, c’était décidé. C’est tout ce qu’il voulait. Il était intelligent, en plus. Il disait : “Je veux être paramédic.” »

John m’a expliqué que Chris avait commencé en travaillant dans les transferts de patients et en se tenant prêt sur le bord des pistes d’un circuit automobile local avant « de décider d’aller au Niagara College pour suivre son cours en services médicaux d’urgence. » 

Après avoir obtenu son diplôme, Chris a d’abord postulé en Ontario, mais son manque de compétence en français représentait un défi. Avec l’encouragement de son père, Chris « a envoyé ses CV partout au Canada, et je pense que deux semaines plus tard, il a reçu un appel de Baddeck » (un village à Cape Breton, en Nouvelle-Écosse). 

« Ils l’ont embauché par téléphone, et ils lui ont donné deux semaines pour déménager là-bas. Alors ils ont fait leurs valises. Je pense qu’ils ont loué un U-Haul ou quelque chose comme ça. Ils ont emballé ce qu’ils avaient et sont partis dans l’Est. Il adorait ça là-bas. Même s’il était un étranger, il faisait partie de l’équipe. »

Je lui ai dit que j’avais lu de nombreux hommages à Chris et que beaucoup mentionnaient sa positivité contagieuse.

« Peu importe qui tu étais ou ce que tu faisais. Si tu avais besoin d’aide sur le bord de la route, il s’arrêtait. Ça n’avait pas d’importance. Si tu avais besoin d’aide pour quoi que ce soit, il venait. Il pelletait la neige, tondait la pelouse. Tu sais, les voisins avaient besoin d’aide et Chris leur demandait : “Voulez-vous que je coupe la pelouse ?” Même quand il était à Moosonee. »

Chris était revenu chez lui après qu’un ami lui ait trouvé un poste de paramédic aérien à bord d’un avion dans le nord de l’Ontario. 

« Il faisait ça depuis un moment, et puis Ornge cherchait des paramédics à temps partiel. Alors, il s’est engagé avec eux, a fait ce qu’il avait à faire, est retourné à l’école pour suivre une formation supplémentaire. Et puis ils lui ont offert un poste à temps plein. C’était à Thunder Bay. L’offre d’emploi commençait le 1er juin, mais ils lui ont donné une semaine ou deux pour s’installer. Et puis, le 31 mai, ils ont décollé pour ce vol non urgent juste après minuit… »

La voix de John s’estompe. Il a marqué une pause. 

« Ils ne l’ont retrouvé que le lendemain. Parce qu’il faisait tellement noir qu’ils ne pouvaient rien voir. Je suppose que l’hélicoptère s’est écrasé et a brûlé, mais les flammes se sont éteintes très rapidement. Ils n’ont trouvé aucun dispositif de signalisation qui aurait pu leur indiquer où ils étaient tombés. Mais de toute façon, ça n’aurait rien changé. Ils sont tous morts sur le coup. »

« C’est comme ça qu’il aurait voulu partir. En aidant les gens. »

À ce moment-là de notre conversation, John a besoin de reprendre ses esprits. Je l’entends pleurer et lui demande s’il va bien. Il me rassure : « Je vais bien. Je dois vivre avec ça. Alors, c’est bon pour moi de pleurer et de tout laisser sortir. »

« Je pense que le but de la vie de Christopher, c’était d’aider les gens. Et c’est essentiellement ce qu’il a fait une fois qu’il a décidé de poursuivre son rêve d’enfant. Il avait décidé qu’il allait aider les gens. Et c’était son objectif. Il a atteint son but – et bien plus encore. »

Je lui ai demandé comment il marquait l’anniversaire de la mort de Chris chaque année. 

« Ce n’est pas que j’essaie de l’éviter. J’essaie juste d’être avec des amis. Les gars au travail, ils ne me laissent pas seul. Ils me disent : “Viens, on va dîner ensemble.” Ce jour-là, ils me gardent occupé. Noël, c’est probablement le plus difficile. Noël ne signifie plus grand-chose pour moi. »

« Mais ensuite, je pense à Chris et à quel point il avait hâte de monter à Moose et de travailler. Il adorait être paramédic. » 

Close your eyes

Listen to the skies

All is calm, all is well

Soon you’ll hear Kris Kringle and the jingle bells

Bringin’ old toy trains, little toy tracks

Little boy toys comin’ from a sack

Carried by a man dressed in white and red

Little boy, don’t you think it’s time you were in bed?

– Roger Miller, Old Toy Trains